Accouchement en gros

Un bus au ventre rond passe dans la rue bruyante.

Bondé de voyageurs sans teints, il rame pour se frayer un chemin. De loin c’est un bus anodin, sans bras, ni mains, pour jambes des roues, quatre ou six, comme ses autres congénères.
Derrière une camionnette sale, il tente d’ouvrir un passage. Mais les autres ne veulent rien entendre. Il rue de ses jantes au bitume et s’énerve des autos somnolentes, aux sorties des bureaux.

Lui n’a plus assez de temps, son bureau s’encombre de  rouleurs hétéroclites  et l’heure  approche.

Il avance puis freine et se gonfle de plus belle, à chaque pose que la rue lui fait.

Un gémissement, puis  à nouveau à l’arrêt, il avale des gens.  La faim le tenaille et le fait avancer, même s’il halète entre chaque arrêt, il gonfle encore, il ne tiendra pas la distance,  s’il doit arriver à son terme.   serre-dans-le-bus

Alors il rougit, chauffe et enfin fait bailler ses portes en guise de décompression. Et soudain à un arrêt,  il gerbe quatre jeunes nés, criards, superbes, dégingandés, ils marchent presque comme des piétons.

 

piedsLes passants accueillent la progéniture. Ils posent les pieds sur le trottoir, titubent, vont de gauche à droite puis se redressent. c’est presque attendrissant de les voir. Et pourtant rien de plus normal, un bipède vacille puis peut marcher en quelques secondes lorsqu’il descend sur la chaussée.

Et à peine né, ainsi gerbé, chacun découvre instinctivement son chemin à pied.

Ce sont des drôles de tourbillons, ces bus en cloque du matin au soir !  Ils passent le plus clair de leur temps, à manger aux arrêts des gens, éclore sans cesse d’un habitant, un bonhomme sur ses deux pattes;  parfois plusieurs quand l’heure est bonne. Et à  leur terme ils peinent à voir, mais ils ravissent  le berceau de la cité à l’instant de délivrance d’un nouveau nouveau né à pied.

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