Pause de printemps,

C’était un soir de mai au détour d’une allée,

les rayons du soleil patinaient la vieille table du ciel de cire mordorée.  J’empruntais le chemin, souvent et je savais à chacun des tournants, saisir le calme des petits coins de ville.

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J’avais cette habitude de jouer à cache-cache avec la rue déserte au front des  murs perdus. Chaque bout de terrain, de lopin encadré, encerclé de murets,  grillages ou vertes feuilles, mordait sur les ombrages, accrochait au pavé, le  tracé d’une poutre en bois pour limite d’un garage, une tôle béante en guise de  pavois, un terrain d’escapade, un arbre au verger, creux, port d’asile d’un nid,  pour quelques tendres ailes.

J’avançais et savais chaque fois au pied d’un mur que le recoin suivant dévoilé,  serait un havre de paix. J’en connaissais par cœur les moindres fils tressés. Et  pourtant ce soir-là, où mai se fit attendre, ce jour où le soleil faisait aux rails, le tendre, je fus surpris du paysage, moi qui le connaissais depuis autant d’années.

Tandis que je montais de mes quatre roues lassées, le mont où la ligne de feu parfois furieuse jaillit, je vis le coin de maison à ma gauche et soudain m’attendris.

 En fait je ne vis rien ou plutôt un matou, noir, maigrement étalé, les pattes écartelées sur le capot   d’une ferraille, voiture posée là sans doute à l’agonie.    Van_Gogh_The_Factory_at_Asnieres

 Levant les yeux aux alentours, j’aperçus le jardin, minuscule carré d’herbe bordé de goudron  s’arrêtant à une porte, puis de la porte brune, un ensemble de pierre, claires, vieilles, un peu  lavées, solides depuis lors, posées là pour surveiller le quai et plus loin la voie. Le mur qui me fit  face alors, était rosé. Au haut, sur une fenêtre aussi belle que petite, un vase joufflu, sorte de cruche  en terre ocre, brillait au soleil étendu à cette heure, cherchant  à éclairer de ces ombres singulières  par ces derniers rayons ce qui restait de vie dans le coin solitaire.

Moi, pâle passant dans l’ombre, j’étais ravi. L’endroit était charmant et je regardais s’endormir, lascivement bercée par le rail sans fin, la maisonnée déserte. Ses seuls occupants, un minet peu gaillard et une cruche obèse pouvaient faire le guet, pas âme n’y sommeillait.

J’en avais pourtant vu des petits coins déserts où personne ne va tant la misère luit mais ce soir de mai, cette pauvre lumière de nuit donnait à la détresse des airs de gaieté si charmants que des riens en faisaient l’apparat.

Le soleil était là, près d’elle et réchauffait ce bonheur en filet. Mai avait choisi ce soir-là de s’endormir avec l’arrivée du printemps dans la maison du garde-barrière, rêvassant au jardin et pleurant de lumière, quand moi simple passant, clandestin, sans prendre garde d’ailleurs, je les avais surpris.

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