Renaissance d’un soir, de retour du bureau

Les soirs de retour du bureau en voiture, la radio rythme le tempo du moteur entraîné dans la sérénade des ronds points. J’écoute d’une oreille distraite. La distraction suffit parfois à lever l’ennui.   Les mots les plus simples de la vie courante se chargent soudain d’une couleur particulière et font du coucher de soleil à l’esprit, une renaissance. Ils sont pleins d’émotion et débordent de souvenirs profondément enfouis, par une pelle quotidienne. Quelques mots émergent des bruits habituels et  font sur la mémoire de l’auditeur endormi, un joli clapotis fréquentant  les flots bleus que les yeux baignent.

Peu loin de là au fond, le lac lui se repose.    

De la radio jaillit la nouvelle,
… « il n’écrira plus, il n’est plus! »… et le speaker rappelle les paroles de l’auteur, splendide romancier et conteur, puis d’un simple jet de mots, achève de parapher ainsi son œuvre :

-« Il avait peu de farine, mais il a quand même fait du bon pain! »

Ce sont les sobres mots d’un père à son fils, digne donneur de vie, remplie d’amour, de respect paternel et de souvenirs pleins de bons grains. L’orateur lève soudain le voile d’ennui. Il y a peu d’ivraie à ôter en fait de ce portrait d’un homme, car ces derniers mots cités par le journaliste donnent au mourant la renaissance. Et cela vaut toutes les reconnaissances, lorsque l’on sait comme un père n’ose se livrer à son fils.

Ainsi fut-il ce soir-là, destinée in fine, naît de mots qu’on n’oublie pas…

Homme de lettres, chantre de romanesque, l’onde phonique rendit à Clavel ce soir-là, ces mots paternels rapportés au passage, mis en lumière à l’ombre nébuleuse d’autos floquées dans le paysage. Il faut tant de nuages quotidiens parfois, pour glisser vers ces cieux d’ondes vagabondes que des voix journaleuses guident lors de notre retour de la sempiternelle fin de journée.
Dommage, pour tant d’inconnus d’avoir attendu qu’il soit froid, pour parfois connaitre les meilleurs mots de ces Connus, disparus.