Deux héros, la balle au centre !

Brève de comptoir, d’un homme défait par les années,

meurtri au pied, l’autre posé sur la barre de cuivre, au bas du zinc, où accoudé, un soir comme tant d’autres, il rince sa rengaine dans les ballons de rouge, auprès d’un voisin attendri, penché comme lui sur le monde et ses frasques. Oubliés d’un temps que l’on n’attend même plus, hommes noyés sans âge, rêveurs, à l’alcool dévolu.

Courte histoire du même, racontant à son alter ego,  pilier de bar sans but, son accident brutal et sa jambe en morceaux, puis les soins et les années à boiter sans répit, maudissant les trous, les entailles des chemins,  sonnant dans ses entrailles et les marches d’escalier,  hautes à pleurer, comme son rêve avorté.  Quand l’autre en face écoute d’une oreille distraite, survole son journal des sports et semble soudain émerveillé.  Alors il lève la tête et raconte au compère de bistrot la nouvelle, la résurrection du joueur lambda aux jambes fracassées, lors du dernier match et si bien réparées.

Et tous deux trinquent enfin à la résurrection de l’autre, Dieu du stade que le ballon fit naître.

Cela fait peur à voir,  mais l’indécente misère est là, sous les feux du zinc et ce soir, par hasard,  j’y rince mes yeux effarés, du boiteux qui noie son chagrin, pour une jambe mal réparée, tandis que son compagnon raconte, les efforts de la science pour un héros du stade,  tombé sous les feux de la crampe, blessé puis soigné, tant mieux du reste !  cela rapproche, à défaut de soigner, les âmes des miséreux.

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