Il a perdu un sous-marin dans le bassin!

Il a perdu un sous-marin !

Faire traverser un sous-marin dans ces lieux cela relève de l’espionnage, on n’en rit pas c’est du sérieux !
Des hommes leurs dossiers sous le bras passent dans l’allée monumentale au milieu de colonnes strictes portant statues de dames illustres.

L’homme aurait pu se perdre en chemin devant l’imposant bâtiment, perdre un gant ou un dossier cela aurait été plus banal. Mais perdre un sous-marin dans un lieu si solennel, personne n’allait pouvoir le croire ?
Drôle d’espace, curieux instant!
Le passant perdu pesta contre la mer de vent qui mettait sens dessus dessous, l’eau du bassin ce midi-là. Le bonhomme n’avait rien vu venir, la houle donnait de jolis clapotis sur l’eau et faisait glisser harmonieusement les voiliers. Il n’avait pas eu besoin de vérifier le bastingage, son sous-marin s’était frayé un chemin au milieu des voiles filantes et pointait le bout de son nez, juste pour être télécommandé. Ravi le sous-marinier guidait son navire au milieu de la flottille en escorte. Pourtant un vent soudain, une tête tournée, l’appel des siens… en un instant le bâtiment disparut dans l’eau striée de houle argentée. Il appuya sur son boitier pour rappeler le navire à la surface, il fit de grandes enjambées pour essayer de l’apercevoir.

Et les passants autour du bassin, armés de leur bâton à pousser n’avaient d’yeux que pour les voiliers et les carpes lourdes effleurant les coques.

Il posa alors le boitier sur la pierre près d’une cahute posée au bord du bassin. Puis disparut quelques minutes et réapparut harnaché devant la monumentale bâtisse, tandis que les passants apprêtés serviettes et dossiers sous les bras suivaient l’allée pour rejoindre l’hémicycle.
Il y avait séance ce jour-là !

Le sous-marinier prêt à partir en chasse, avait chaussé ses pontonnières élégamment fixées à des bretelles kaki, posées sur ses larges épaules et gonflant sa chemise à carreaux. Le bonhomme avait fier allure et l’épuisette à la main, dans le bassin fit trempette. Il se mit à faire un tour, puis deux, puis trois dans le bassin, l’épuisette plantée au fond, boulant les voiliers au passage, pour repérer où avait pu couler le sous-marin. Il marchait délicatement, le fond invisible ralentissait sa marche pesante. L’eau était lourde d’années d’attente dans le vaste bassin où la carpe côtoie le vélin.
Pourtant un sous-marin ne coule pas, il peut descendre au fond de l’eau c’est sa raison profonde, mais sous l’eau sombre du bassin du parc, il peut se passer des choses que l’on ne dit pas. Et n’attendons pas d’une carpe bouche bée le moindre renseignement, l’envers est au silence, cela va sans dire.
C’est un gag au sénat ! Pourtant endroit où l’on ne rit pas. On déambule dans les allées, costumes austères, dossiers sous le bras, rien ne prête à rire aux débats. Quelques somnolents et promeneurs jettent au passage, distraitement un œil au phénomène. Mais un bonhomme qui barbote, semble courant dans le bassin où l’onde veille. Seule une statue rit aux éclats de la séance inattendue; pendant que le promeneur habitant une autre planète, marinier de son état, télécommande sous le bras, va de son pas de sénateur, guidé par son épuisette, visiter le bassin, au milieu des carpes, l’air de rien.         

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