Bonne année, je vais te lancer!

Bonne année bonne santé, disions-nous en nous croisant, les lendemains aux traits tirés

sur l’année juste achevée et pour cause d’excès de fête à la nouvelle à point nommée. Et voilà que le mal aux cheveux, gai, malgré tous ces lendemains de fête nous rappelait comme il est heureux de saluer les invités par ce chapelet de bienvenue : bonne année et bonne santé! et tous nos vœux pour l’occasion, d’ailleurs il n’y en avait qu’une, celle de ce début d’année où tout un chacun se congratule. J’en ai serré des mains, baisé des joues molles douces et froides, j’en ai dit de ces mots convenus à la pelle, comme les disaient mes aïeux. Et je ne me souviens pas depuis de la réalisation de ces vœux, rêvés à une vie bien pleine, de joie, de santé, de bonheur, un peu de ces mots de début de table, lancés pour nous aider à manger, nous donner le réconfort ou le courage d’avancer.
C’était donc cela le secret : faire de ces expressions convenues le remède des lendemains de fête. L’année venue de toute façon a les mêmes habitudes, dure sans remords et nous emporte avec le temps en balance, sans cesse et malgré des efforts pour vivre au diapason de drôles de saisons. Alors nous avons bien besoin de ce réconfort dont on nous rabat les oreilles depuis des lustres et sans vergogne.

Et allons chez l’oncle Maurice déboucher une bonne bouteille. Il nous racontera ses blessures, les guerres passées et celles perdues. Puis chez la grand-mère Agathe, nous verrons les fruits du verger posés dans de jolies cagettes en bois, sur les paillasses de son grenier. On y goûtera avec les yeux, humera les odeurs de l’été, on écoutera craquer les fruits, signe de vie emprisonnée dans la cire rouge. Et je verrai les cousins rigoler des queues rouges et des fruits moisis. L’année est si mal passée, on cueille à l’automne les fruits du verger, les protège à l’hiver pour qu’ils passent l’année et soudain avant l’arrivée du printemps, voit les dégâts des conserves au grenier. Grand-mère Agathe dans un élan de générosité nous donne alors un panier plein. On s’exclame, on remercie en chœur et sait pourtant de retour à la maison qu’on en jettera la moitié.
Les nouvels ans se ressemblent, courage, réconciliation et générosité tardive, ils sont pleins de ferveur aujourd’hui malmenée. Nos jeunes mouflets oublient les vertus de ces mots sirupeux soufflés à chaque rencontre familiale, amicale, passagère. Cet élixir du mois de janvier faisait d’un coup voir notre quotidien comme une grande famille. Aujourd’hui de nouvel an, j’entre dans la boulangerie bondée et m’étonne de ce court bonjour, jeté sur la vitre des pains chauds. Il est triste et sans bulle et me donne froid dans le dos. Auraient–ils oublié le mois du renouveau? Alors je lance à l’assemblée qui me tourne le dos un grand « bonjour, bonne année!» qui sent fort le croissant chaud. Le boulanger seul me répond, par un large sourire qui en dit long sur ses tendres souvenirs : « merci à vous de même!». Et la chaleur ambiante fait de ces gens peu affables, délier les langues, certains ont des souvenirs de ces usages, serait-ce un heureux présage ou déconvenue d’une époque en bout de table!

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